Les droits d’auteurs expliqués aux non-juristes

Par Alain Lallemand, journaliste au service culture du journal Le Soir.

A côté du « Nouveau droit d’auteur »   d’Alain Berenboom,  Larcier publie  un ouvrage pluriel,  « Les droits d’auteurs » de Frédéric Young :   vos droits et devoirs, concrètement,  face à une œuvre.  Face à votre œuvre.
Lorsqu’on parle du droit d’auteur en Belgique, depuis bientôt trente ans la référence des professionnels du droit est l’œuvre de l’avocat Alain Berenboom, lui-même auteur remarqué :  Le nouveau droit d’auteur (éditions Larcier) en est maintenant à sa cinquième édition, une brique de plus de 600 pages qui intègre les dernières évolutions du droit belge et européen. Car, oui, le droit d’auteur a encore évolué cet été, singulièrement ce 1 er août avec l’adaptation en droit belge de la directive européenne 2019/790 sur les droits d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.
Les professionnels le savent : le Berenboom est un ouvrage solide, tracé au cordeau et fil à plomb, dont les notes de bas de page sont autant de pistes de lectures complémentaires. Après avoir délimité le cadre juridique et ses bénéficiaires, le livre détaille les divers droits des auteurs et ses exceptions presque aussi nombreuses, la spécificité des œuvres aux auteurs multiples et des œuvres sur commande, ainsi qu’un chapitre complexe mais fort utile sur la circulation des œuvres, cette cascade de contrats par lesquels l’auteur cède ses droits et permet l’envol de l’œuvre même  post-mortem. Le droit international et européen, ainsi que les œuvres nées de la technique (films, programmes d’ordinateur, bases de données, etc.) montrent à quel point le droit d’auteur est mouvant et justifie des éditions successives.
Des droits pluriels
Cependant, comment y retrouver votre chemin si vous n’êtes pas juriste dans l’âme, si le droit ne vous semble qu’un reflet ésotérique de « vos » droits ? Imaginons que vous soyez bien décidé à en comprendre toutes les ficelles parce que le droit d’auteur, en tant qu’artiste, est peut-être votre gagne-pain : vous êtes concerné de manière très concrète, en somme vous n’avez guère le choix… mais le droit, ce n’est pas votre truc.
Les mêmes éditions Larcier vous proposent désormais une autre piste de compréhension, plus attrayante dans sa visualisation et sa mise en page, plus usuelle dans son vocabulaire, qui tente à la fois de faire comprendre au grand public les complexités du droit – il n’y a pas de miracle – tout en restituant sa dynamique historique : comment en est-on arrivé là et pourquoi, éventuellement, est-ce si compliqué ?
Cette fois, celui qui tient la plume est Frédéric Young, aujourd’hui délégué général des sociétés de gestion collective de droits d’auteurs SACD et Scam Belgique, familier d’Auvibel, Reprobel et autres aléas très pointus du droit d’auteur. Son livre,  Les droits des auteurs et autrices – Tout simplement, vient à son tour de sortir de presse. La mauvaise nouvelle est qu’il fait lui aussi plus de 600 pages. La bonne est que cet ouvrage s’ouvre et s’explore par différents biais qui ne sont pas strictement juridiques, que sa lecture peut être thématique (entendez : sélective) et qu’il prend le temps de respirer tant au niveau graphique que par les pistes de jeux qu’il propose ou la multiplicité des questions qu’il pose d’initiative, titillant votre curiosité.
Exemples : j’enregistre sur mon smartphone un morceau de musique de Spotify, avec un back-up sur mon  cloud : est-ce une copie privée ? (pour faire court : oui). Je télécharge un film sur Internet via un flux  Torrent, est-ce une copie privée ? (Non). Mon film est programmé sans autorisation sur une chaîne belge, puis-je interdire la transmission ? (Oui). Etc.
Ces questionnements ne sont évidemment que des agaceries aidant à assimiler les droits d’auteurs selon quatre grands piliers : leur histoire, leur présence dans le code de droit économique, leur pratique via des modèles et clauses types, enfin une réflexion multiple sur les dimensions économique, sociale, démocratique, politique ou culturelle du/des droit(s) d’auteurs. En achevant ainsi son livre, Young sort le droit d’auteur du seul registre juridique pour l’inscrire dans une dynamique plus large : le droit d’auteur est un droit, il est un revenu, soit, mais il est aussi un outil précieux de politique culturelle.
Une approche concrète
Les visuels sont à la fois très présents et bien utiles, par exemple lorsqu’il s’agit de vous guider dans la marche de l’Histoire, de comprendre l’architecture du code de droit économique ou la durée des diverses protections qui s’appliquent à une œuvre. Eloquents, ils se suffisent parfois à eux-mêmes lorsque l’auteur illustre la corrélation entre l’évolution de la durée du droit d’auteur et celle de l’espérance de vie.
Pour autant, ce n’est pas de la vulgarisation : Young a été étroitement associé à plusieurs évolutions des textes de loi, il en connaît les ressorts avec un sens politique certain et ses fonctions l’ont confronté aux interrogations nombreuses des artistes. Il est donc à la fois pointu et très concret lorsqu’il aborde, par exemple, le droit de retrait (français) à destination de tous les auteurs belges qui travaillent pour des producteurs français, ou l’exploitation à des fins non-commerciales (par des bibliothèques ?) d’œuvres indisponibles dans le commerce.
Alors, Berenboom ou Young ? Les deux : l’un pour la netteté du trait, l’autre pour l’aisance et la perspective.

source : https://www.lesoir.be/466358/article/2022-09-19/les-droits-dauteurs-expliques-aux-non-juristes