FISCALITÉ – Que vont devenir en 2023 vos droits d’auteur ?

Renforcer la couverture (et la contribution) sociale des artistes, tel est aussi l’un des objectifs de la réforme des droits d’auteur.D.R.

Par Alain Lallemand

Le gouvernement   s’est accordé   sur une réforme   en profondeur   du droit d’auteur   dès le 1 er janvier. Pour les artistes, qu’est-ce que cela va changer ?
Lors du conclave budgétaire de septembre, le gouvernement De Croo s’est mis d’accord sur « les grandes lignes » d’une réforme du droit d’auteur qui devrait entrer en vigueur dès ce 1 er janvier 2023, et produira ses pleins effets après une phase transitoire de deux ans.
Pure déclaration d’intention ? Le gouvernement n’a d’autre choix que de s’y tenir puisqu’il a inscrit cette  réforme à son budget 2023-24 et compte, grâce à cette réforme, récupérer 37,5 millions d’euros en 2023 et 75 millions d’euros en 2024. Le rendement structurel devrait ensuite être supérieur. Par ailleurs, il existe une large base politique pour appuyer cette réforme, car elle répond à un triple  objectif, partagé à des titres divers,  notamment par le CD&V, le PS et  Vooruit : éviter les dérapages fiscaux, protéger les auteurs, renforcer la couverture sociale des artistes.
Le premier objectif – et il explique le rendement budgétaire escompté – est de lutter contre les utilisations fiscales abusives de la notion de droit d’auteur. Quelques chiffres : entre les exercices d’imposition 2013 et 2018, le montant des droits d’auteur déclarés à l’impôt des personnes physiques est passé de 107,9 à 281,7 millions d’euros. En huit ans, le nombre de bénéficiaires de droits d’auteur a été multiplié par dix. Il en va de même des montants en jeu.
En matière de droits d’auteur toujours, les demandes de  rulings (décisions anticipées de l’administration des impôts) sont passées de 96 en 2017 à 213 en 2021. Parce que les artistes se multiplient et vivent aisément ? Non pas : l’explosion des dossiers de  rulings concerne – et de très loin – le secteur de la programmation informatique (157 dossiers en 2021), suivi des secteurs du… marketing et de la communication (dix dossiers), des architectes (cinq), des avocats (!), alors qu’il n’y avait la même année qu’une seule et unique demande de  ruling concernant l’industrie musicale.
Le gouvernement siffle donc la fin de la récréation et entend limiter le régime fiscal du droit d’auteur aux seuls véritables auteurs (lire ci-dessous). Cette volonté de réforme fiscale, portée par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) est politiquement très solide car elle converge avec un double impératif social porté par le ministre des Affaires sociales Frank Vandenbroucke (Vooruit) et le ministre de l’Economie et du Travail Pierre-Yves Dermagne (PS) dans le cadre de la  réforme du « statut d’artiste » : renforcer les revenus mais aussi la couverture sociale des auteurs.
Assurer la couverture sociale

des auteurs et interprètes
Assainir le droit d’auteur en le rendant plus exclusif, le recentrer sur ses fondamentaux et sauver le système est un premier volet. L’autre volet, qui sera concrétisé par le ministre Vandenbroucke, est de développer les cotisations sociales des auteurs. Comment ? L’une des pistes évoquées par certaines fédérations culturelles était de soumettre à cotisation les droits d’auteur, sur base volontaire ou non. Le gouvernement suit une autre voie : mieux départager et rééquilibrer la rémunération des prestations et travaux de commande d’une part, les revenus mobiliers de droits d’auteur et droits voisins d’autre part.
Ce n’est pas une réforme qui tombe d’en haut. La consultation du secteur culturel a été largement engagée ce printemps (mai-juin-juillet) par les  ministres concernés dans le cadre du processus  Working in the arts . Voici ce qui en est ressorti, et les axes retenus par le gouvernement.