Financement des arts de la scène : le gouvernement dévoile les chiffres

Ce vendredi, le gouvernement s’est accordé sur le financement des arts de la scène pour l’exercice 2024-2028. Nous en détaillons les grands axes. Théâtre, cirque, scène jeune public, humour, musiques classiques ou actuelles : voici les grandes lignes du plan.

Source : Le soir. Journaliste au pôle CulturePar Catherine Makereel

Publié le 17/11/2023 à 13:53 Temps de lecture: 2 min

« George de Molière » de la Clinic Orgasm Society qui fait partie des compagnies revalorisées. La pièce se jouera en avril aux Halles de Schaerbeek, institution dont la subvention grimpe elle aussi. – Anoek Luyten.

Ce vendredi, la ministre de la Culture Bénédicte Linard a mis fin à l’insoutenable attente des compagnies, festivals, théâtres et autres opérateurs culturels, suspendus depuis des semaines aux décisions finales concernant leurs demandes de subventions. Pour rappel, depuis 2018, l’octroi des contrats-programmes en arts de la scène est organisé de manière « alignée », ce qui signifie que la totalité des demandes de subventionnements quinquennaux est examinée au même moment. Un tel exercice permet une analyse comparative et objective des dossiers et une « remise à plat » des soutiens financiers aux secteurs de manière à pouvoir corriger des déséquilibres éventuels.

Autant dire que la tâche des commissions d’avis, chargées d’analyser les dossiers, était colossale : 542 demandes de contrats-programmes et de contrats de création, de services ou de diffusion ont été introduites, parmi lesquelles 436 opérateurs passent au vert (et bénéficient donc d’un subventionnement structurel), dont 200 nouveaux opérateurs. Avant de détailler les grands axes qui ont orienté la répartition des moyens, soulignons que la ministre de la Culture a réussi à décrocher un budget de 142 millions d’euros annuels, soit une hausse de 15 % par rapport à l’exercice précédent, ce qui, vu la situation financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles, était loin d’être garanti.

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Rééquilibrer l’ancrage territorial

C’est l’un des axes les plus prégnants de cette nouvelle répartition : garantir une offre en arts de la scène suffisante et pertinente sur l’ensemble du territoire et corriger certains déséquilibres, telle était la motivation de l’administration de la culture. En effet, les analyses montrent que Bruxelles se taille la part du lion tandis que le Hainaut, Namur et le Luxembourg figurent parmi les provinces les moins bien « culturellement couvertes » par rapport à leur population, ce qui pose des questions en matière de droits culturels. L’opération de refinancement a donc pris en compte ces critères d’ancrage territorial. Pour répondre à cet enjeu du déploiement de l’offre sur le territoire, il a par exemple été proposé d’octroyer à deux centres culturels (province du Hainaut et province du Luxembourg) un soutien de 150.000 euros assorti d’une reconnaissance comme centre scénique. Cette proposition vise à ce que, désormais, chaque province dispose d’un centre scénique en art dramatique et à répartir de manière la plus équilibrée possible les moyens de création et de production en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Par ailleurs, certains opérateurs hennuyers comme la Ferme de Martinrou ont vu leur subvention copieusement augmenter afin de maintenir une offre culturelle riche et solide sur ce territoire. Toujours dans cette perspective de rééquilibrage territorial, le Centre scénique de Wallonie pour l’enfance et la jeunesse (ékla) a vu sa subvention bondir (de 600.000 à 820.000 euros) au motif que cet opérateur rayonne fortement sur le bassin scolaire du Hainaut. Des structures comme Charleroi-Danse bénéficient aussi d’une revalorisation. Notons, que ces rééquilibrages sont loin de corriger la répartition. Bruxelles et Liège restent financièrement surreprésentés, Bruxelles grâce à son statut de capitale, Liège en partie grâce à certains très gros opérateurs culturels comme l’Opéra Royal de Wallonie.

Revaloriser les secteurs sous-financés

Pour guider la ventilation des subsides, des balises ont été proposées aux commissions d’avis et se confirment aujourd’hui dans les chiffres dévoilés. L’un des axes consiste à revaloriser certains secteurs jusqu’ici sous-financés comme le cirque, le théâtre jeune public mais aussi l’humour. Prenons le cirque, par exemple, qui voit son budget total plus que doubler, passant de 2 millions à plus de 4,4 millions, l’essentiel de cette augmentation étant absorbée par deux opérateurs : Latitude 50 à Marchin et Up (anciennement Espace Catastrophe), qui récoltent chacun un million d’euros. Le secteur de l’humour voit son enveloppe presque tripler (passant de 260.000 à 780.000 euros). Notons que le TTO Théâtre, en passant dans la case humour, parvient à récolter une subvention de 384.000 euros. Les subventions de la scène jeune public grimpent, quant à elles, de 30 % (de 5,6 millions à 7,3 millions). 

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Soutenir les compagnies et l’emploi artistique

Une tendance frappe encore lorsqu’on analyse les chiffres : l’attention financière portée aux compagnies. En théâtre adulte, par exemple, pas moins de 40 compagnies sont désormais subventionnées sur plusieurs années. « La rémunération des artistes, créateurs et techniciens est un enjeu central de la réforme des arts de la scène », rappelle la note d’orientation. « A cet égard, tant les commissions que l’administration n’ont eu de cesse de rappeler la nécessité de soutenir de manière suffisante les structures de créations, telles que les compagnies, afin d’éviter toute précarisation du secteur, considérant la règle de non-cumul avec les aides ponctuelles. »

Parmi les compagnies qui voient leurs subsides grimper, on peut citer la Cie M.A.P.S, Belle de Nuit, le Nimis, Ravie, What’s Up, Still Life, Chantal et Bernadette et tant d’autres. « Les modèles de production du secteur théâtral tendent à évoluer depuis plusieurs années et ces changements induisent la nécessité pour les compagnies de pouvoir être de plus en plus autonomes financièrement, précise encore la note d’orientation. Le refinancement proposé par les sessions vise donc à ce que les structures de création puissent s’emparer pleinement des missions qui sont les leurs. »

Accompagner les perdants

Certains opérateurs ont clairement été sanctionnés par les experts. Du côté des musiques actuelles, par exemple, certains festivals ont fait les frais du refinancement. La subvention des Ardentes, de Dour et des Francofolies de Spa dégringole. Un choix que la ministre de la Culture, Bénédicte Linard, justifie ainsi : « Ce sont des gros festivals dont le modèle économique ne dépend pas de l’argent public. Nous avons préféré porter notre attention sur les plus petits festivals qui dépendent plus de l’argent public et qui défendent des artistes belges. »

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En théâtre, par contre, alors que des fuites de documents laissaient présager une baisse de 17 % de leurs moyens pour des maisons comme le Théâtre du Parc, le Public ou encore les Galeries, on imagine que les marchandages politiques sont allés bon train en coulisses puisque ces trois scènes bénéficieront finalement d’une légère augmentation de leur subvention. L’issue n’est pas aussi heureuse pour tout le monde. Six opérateurs voient ainsi leur subvention s’arrêter, dont La Fabrique imaginaire (Eve Bonfanti et Yves Hunstad) et Pan ! La Cie. Pour les opérateurs qui se voient signifier la fin d’une reconnaissance ou la diminution substantielle de leur subvention (minimum 15 %), un dispositif de transition est prévu, de manière très temporaire, pour accorder à tous les opérateurs concernés un montant forfaitaire variant en fonction des besoins de viabilité, de manière qu’ils puissent adapter ou clôturer le projet dans des conditions dignes et respectueuses. Tous les chiffres, secteur par secteur, sont disponibles sur www.culture.be.