FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES

Davantage de moyens  pour la production audiovisuelle.

L’accès au fonds séries, qui a notamment financé la série «Ennemi public», ne sera plus uniquement réservé à la RTBF. D.R.

Les chaînes télé et  les plateformes, locales comme étrangères, contribueront  plus fortement,  grâce à un taux maximum qui passera  de 2,2 à 9,5 %.

JEAN-FRANÇOIS MUNSTER – Le Soir 18/03/23

Attendue de pied ferme par le secteur du cinéma et de la production indépendante, la réforme du système de contribution des chaînes télés et des plateformes de streaming au financement de la production audiovisuelle dans l’espace francophone belge est sur le point d’aboutir. Le texte, porté par la ministre des Médias, Bénédicte Linard (Ecolo), était à l’ordre du jour du conseil des ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce jeudi, pour une première lecture. Il n’a pas été formellement approuvé mais il ne resterait plus que quelques détails à régler, nous revient-il de plusieurs sources. Principale mesure de cette réforme : une augmentation de la contribution financière des plus gros acteurs du marché afin de pouvoir développer et diversifier la production audiovisuelle belge francophone.
Depuis 2021, le décret sur les services médias audiovisuels (SMA) impose à tous les éditeurs (chaînes, plateformes…) de contribuer à ce financement indépendamment de l’endroit où ils sont basés. A partir du moment où ils ciblent commercialement (publicité, abonnement) l’espace francophone belge, ils sont concernés. C’est ainsi qu’en 2022, Netflix, TF1, Disney+, RTL, etc., ont dû verser 1,5 million d’euros.
Cette contribution peut prendre la forme soit d’une coproduction ou d’un préachat, soit d’un versement au Centre du cinéma et de l’audiovisuel. Le système prévoit cinq paliers de contribution proportionnels au chiffre d’affaires allant jusqu’à un maximum de 2,2 % pour un chiffre d’affaires de 20 millions et plus. Il y a deux ans, lorsque le décret SMA avait été modifié pour transposer la directive européenne qui permettait de faire contribuer ces acteurs étrangers, les producteurs de cinéma s’étaient offusqué de la faiblesse de ces taux en regard de ceux pratiqués en France, parlant « d’une opportunité manquée ». Bénédicte Linard s’était alors engagée à rouvrir rapidement la discussion et à mener une large concertation du secteur. Les fédérations professionnelles du cinéma ont donné leur opinion, puis tout le secteur audiovisuel via le collège d’avis du CSA. On est maintenant dans la dernière ligne droite. Nous avons pu prendre connaissance des grandes lignes de ce texte toujours confidentiel.
Elargissement aux œuvres de flux
Il est tout d’abord question d’augmenter la contribution des plus gros joueurs. Jusqu’ici, leur contribution était plafonnée à 2,2 % du chiffre d’affaires brut réalisé en Communauté française dès que celui-ci atteignait les 20 millions. Le nouveau décret introduit des paliers supplémentaires au-delà de ce seuil avec un taux maximum désormais fixé à 9,5 % pour ceux qui réalisent un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions. On est loin des 15 % voulus par le secteur du cinéma, mais la hauteur de ce pourcentage posait des problèmes juridiques et a été jugée inadaptée à la réalité économique du marché.
Les nouveaux pourcentages seront mis en place progressivement et ne s’appliqueront pleinement qu’à partir de 2027. La charge qui pèse sur les plus petits acteurs sera, elle, allégée. En dessous de 700.000 euros, ils seront dispensés de toute contribution (contre 300.000 aujourd’hui). Idem pour les chaînes thématiques.
Selon les projections faites par le collège d’avis du CSA, l’ensemble de ces contributions devrait entraîner des investissements vers le secteur de la production audiovisuelle indépendante en Fédération Wallonie-Bruxelles situés entre 12 et 16 millions d’euros.
Autre nouveauté : la création de deux « couloirs » d’investissement. D’un côté, un mécanisme est mis en place visant à diriger l’argent vers des productions d’initiative belge francophone dites majoritaires (et non des coproductions étrangères) : 35 % minimum de la contribution devra aller vers ce type d’œuvre. C’était une demande pressante de l’industrie du cinéma.
De l’autre, les chaînes et plateformes pourront aussi investir une partie de leur contribution dans des émissions de flux. Il s’agit – par opposition aux œuvres de stock comme les films et les séries – de programmes qui ne sont diffusés qu’une seule fois. Jusqu’à 30 % de la contribution pourra être consacrée à ce type d’émissions à condition qu’il ne s’agisse pas de jeux, d’émissions de téléréalité ou de programmes d’actualité. Cet élargissement aux émissions de flux était un point particulièrement important pour RTL qui, vu sa taille, se verra appliquer les taux de contribution les plus élevés. Le groupe voulait que ce nouveau système tienne compte de ses besoins spécifiques en matière de programmation et craignait de ne plus avoir assez de moyens pour acheter des émissions de flux (magazines…) s’il était contraint de consacrer l’entièreté de sa contribution à des œuvres de fiction.
Ouverture du fonds séries
Enfin, dernière nouveauté : le fonds de la Communauté française qui était jusqu’ici destiné à cofinancer les séries de la RTBF – le « fonds séries belges » – va devenir accessible à tous les acteurs qui contribuent au financement de l’audiovisuel en Communauté française. Là aussi il s’agissait d’une demande de RTL qui en a fait un préalable pour « revenir » en Belgique (RTL opère toujours sous licence luxembourgeoise). Bernard Marchant, CEO du groupe Rossel, le nouveau propriétaire de RTL avec DPG, voit dans ces avancées « une étape importante. Ce sont des éléments qui vont dans le bon sens et peuvent nous rassurer en vue d’une décision visant à opérer sous licence belge », nous a-t-il indiqué. « Les discussions se poursuivent. »
Soulignons que le texte est encore susceptible d’évoluer. Une fois qu’il aura été adopté par le gouvernement, il devra en effet être soumis au Collège d’avis du CSA et à la Commission européenne qui devra valider le dispositif. Il devra aussi repasser pour une deuxième et troisième lecture devant le gouvernement avant d’entamer son parcours parlementaire.