Hollywood reprend vie, mais avec de nouvelles règles du jeu

Après les scénaristes, les acteurs ont obtenu ce mercredi un nouvel accord professionnel valable trois ans. La reprise était immédiate dès ce jeudi, mais gare aux embouteillages. 

Source : Le Soir

Par Alain LallemandPublié le 9/11/2023 à 12:02 Temps de lecture: 3 min

Ce jeudi matin à minuit une locale (9h01, heure de Bruxelles), la grève des acteurs de Hollywood est arrivée à son terme après 118 jours d’affrontements. Une ébauche d’accord a été conclue mercredi après-midi avec l’alliance des principaux studios de Hollywood (AMPTP, Alliance of Motion Picture and Television Producers). Le syndicat des acteurs (SAG-Aftra, Screen Actors Guild – American Federation of Television and Radio Artists) doit encore approuver l’accord ce vendredi lors de son conseil national, mais les avancées sont telles que ce vote semble n’être qu’une formalité. Si l’accord ne devait pas être approuvé vendredi, les négociations reprendraient, mais la grève semble désormais exclue.

A l’instar de la Guilde des auteurs WGA, qui avait obtenu fin septembre divers droits estimés à 233 millions de dollars annuels (sur un objectif de 429 millions, alors que les studios ne souhaitaient accorder que… 86 millions), le syndicat des acteurs SAG estime avoir décroché des avantages nouveaux pour un montant total de plus d’un milliard de dollars (sur trois ans, durée du nouvel accord), sous la forme notamment d’un « bonus de participation au streaming » (mais pas le pourcentage fixe de 1, voire 2 %, qu’il espérait), une régulation de l’intelligence artificielle, une amélioration des couvertures santé et pension, etc.

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Cet accord permet de renouer avec les quinze années de paix sociale qu’avait connues Hollywood avant que ne se mettent en grève ce printemps les scénaristes/auteurs puis, dans la foulée, les acteurs/cascadeurs. Le cinéma de Hollywood, qui représente un commerce de 134 milliards de dollars annuels et permet à près de deux millions d’Américains de vivre, peut ainsi reprendre son allure de croisière. Mais ce sera probablement le chaos, prédisent les journaux spécialisés : en un claquement de doigts, les producteurs et directeurs exécutifs vont vouloir réserver des studios, conclure des assurances, engager les acteurs, les scénaristes, les équipes techniques et vont être rapidement confrontés aux congés de fin d’année. Il n’est pas exclu que certains projets ne puissent reprendre qu’en janvier 2024.

Vers une reprise difficile

Combien ce mouvement de grève a-t-il coûté à l’industrie ? Si près de dix milliards de dollars investis dans les productions ont été gelés, les pertes pour l’économie de la seule Californie sont estimées à cinq voire six milliards de dollars, selon qu’on se base sur les estimations basses du gouverneur démocrate Gavin Newsom ou sur les évaluations duMilken Institute. Par ailleurs, certaines recettes sont simplement reportées, comme celles escomptées avec la sortie du deuxième volet de Dune, évaluées à 1,6 milliard de dollars pour ce seul film.

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Des négociations pénibles

En pratique, si la grève des acteurs a débuté en juillet, les négociations n’avaient réellement commencé qu’au début octobre. Les grands patrons des studios étaient directement impliqués, mais s’étaient refusés à accorder aux acteurs un bénéfice proportionnel à chaque abonnement de streaming. La négociation s’était interrompue du 11 au 24 octobre, jusqu’à ce que les studios acceptent d’augmenter les salaires minima et proposent aux acteurs un « bonus », un droit dérivé (residual) effectivement lié au succès du streaming, mais sans le calculer strictement sur le nombre d’abonnements.

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En parallèle de cette négociation sur le partage des revenus générés par le streaming, l’autre sujet sensible était la préservation des droits des acteurs face à l’émergence de l’intelligence artificielle. Cette partie de la négociation semble avoir pris un temps considérable au point que, fin octobre, alors que le mouvement de grève avait dépassé ses cent jours, certains acteurs de premier plan ont commencé à s’activer tant auprès des studios que du syndicat des acteurs pour tenter d’accélérer la conclusion d’un accord.

Un nouveau monde

Aucun des deux camps n’est pleinement satisfait par l’accord, bien entendu. Ce qui semble certain, c’est que la teneur des accords, qu’ils concernent les auteurs ou les acteurs, ainsi que le fait même de renouer avec les mouvements de grève vont modifier en profondeur le paysage de Hollywood. D’une part, il y aura moins d’emplois offerts : le mouvement avait commencé bien avant les grèves, et des studios comme Disney ont commencé à se séparer de milliers de salariés. Moins de shows télévisés sont commandés, les studios sont mis sous pression de leurs actionnaires pour rentabiliser le streaming, et des emplois plus onéreux vont sans doute pousser à un rétrécissement des équipes là où les accords le permettent.

Par ailleurs, et cela dépasse le cadre du seul Hollywood, les travailleurs américains semblent davantage disposés aux luttes sociales et mouvements de grève. Inspirés par les mouvements des auteurs et acteurs, d’autres segments professionnels de l’industrie audiovisuelle pourraient être tentés de s’unir et de peser à l’avenir. Sont notamment mentionnés les professionnels des effets visuels et les producteurs de films d’animation.