Hommage à Jean-Luc Godard.

Mort de Jean-Luc Godard, le dernier utopiste du XXe siècle.

Plus qu’un cinéaste, le réalisateur était un homme de son temps, un inventeur révolutionnant les formes et renversant les valeurs.

Le plus grand cinéaste vivant est mort. Jean-Luc Godard était, et restera, à jamais un peu plus que ça : artiste, philosophe, écrivain, révolutionnaire, pythie, vigie de son siècle et du nôtre. 1930-2022. Notre contemporain jusqu’au bout, l’homme de son temps, le peintre de la vie moderne a décidé de son départ, et fait le choix – que sa patrie, la Suisse, rend possible – de quitter le monde avant qu’il ne soit trop tard. Exit Godard, qui laisse à leur solitude commune, partagée, celles et ceux qui ont tellement aimé ses films, des années 50 à aujourd’hui, parce qu’ils ressemblaient trait pour trait à la vie : non comme sa parfaite imitation docile, au contraire, comme explosion de tous ses cadres, révolution de toutes ses formes, renversement de toutes ses valeurs.

JLG, sous ses initiales, était devenu, non sans l’avoir voulu, le cinéma en personne, bien que personne n’ait jamais fait du cinéma comme lui. C’est qu’il l’a porté, dès le début (A bout de souffle, 1960, manifeste de la Nouvelle Vague), à chaque coup, et de plus en plus, à ses limites, pour voir. A croire qu’il l’avait inventé, et pas seulement réinventé sans cesse, en plus d’en réécrire l’histoire, toutes les Histoire(s) du cinéma. «La seule chose qui survit à une époque, c’est la forme d’art qu’elle s’est créée», phrase qu’il avait fait afficher en grandes lettres sur le mur d’un théâtre où s’exposait son dernier film, le Livre d’image (2018) : un graffiti pour testament ? Mais rien de tout ça n’était triste : même au plus fort de sa veine crépusculaire, où sa voix si reconnaissable, son timbre de superstar chevrotante, savait jouer, en clown tragique, toutes les nuances de l’outre-tombe, Godard était encourageant.

C’est une sorte de paradoxe, qui fait le fond de toute son œuvre, dont le seul véritable «sujet» aura été la communication : souhaitable, infiniment souhaitable à la condition humaine, en même temps qu’absolument impossible. En tout cas dans ces conditions : celles du cinéma habituel, celles du capitalisme mondial, celles du langage humain tout court. Tout Godard est au conditionnel. Parler, et il l’a beaucoup fait, c’était toujours poser la question : «Si on pouvait vraiment parler, qu’est-ce qu’on se dirait ?» Filmer, et il fut prolifique, c’était demander aux images et aux sons : «Si le cinéma existait vraiment, à quoi ça ressemblerait ?» Vivre, ça revenait à se dire : «Si la vraie vie avait commencé…» Une façon d’ouvrir un instant un espace, de faire comme s’il était possible : JLG était un utopiste, peut-être le dernier du XXe siècle. Les images, dont il parlait tant (et qui, suivant le principe critique élémentaire qui restera son legs précieux au savoir de l’humanité, ne peuvent se penser qu’à partir de deux : une image seule, ce n’est rien, ou c’est la mort) représentaient une dernière chance, à condition qu’on n’en fasse pas, à leur tour, un langage de plus, voué à ne rien dire de nouveau…

En attendant la dernière image, le monde entier, pour lui dire adieu, n’a plus qu’à faire son éloge le moins funèbre possible : si Jean-Luc Godard a été le plus génial des inventeurs, destructeurs et recycleurs de formes, ce fut toujours comme autant de façons de nous envoyer des forces. N’oublions pas : «Une catastrophe /c’est la dernière strophe /d’un poème d’amour…»

https://www.liberation.fr/culture/mort-de-jean-luc-godard-le-dernier-utopiste-du-xxe-siecle-20220913_ZRZJKHQBGRHWXJSWIAJDDS35JU/?xtor=EREC-22-%5BNL_Opinions_2022-09-13%5D-&actId=ebwp0YMB8s1_OGEGSsDRkNUcvuQDVN7a57ET3fWtrS-T2eMCuYdd8JpdK6WtPxk5&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=518853

Portrait de Jean-Luc Godard en août 1966.

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JLG, sous ses initiales, était devenu, non sans l’avoir voulu, le cinéma en personne, bien que personne n’ait jamais fait du cinéma comme lui. C’est qu’il l’a porté, dès le début (A bout de souffle, 1960, manifeste de la Nouvelle Vague), à chaque coup, et de plus en plus, à ses limites, pour voir. A croire qu’il l’avait inventé, et pas seulement réinventé sans cesse, en plus d’en réécrire l’histoire, toutes les Histoire(s) du cinéma. «La seule chose qui survit à une époque, c’est la forme d’art qu’elle s’est créée», phrase qu’il avait fait afficher en grandes lettres sur le mur d’un théâtre où s’exposait son dernier film, le Livre d’image (2018) : un graffiti pour testament ? Mais rien de tout ça n’était triste : même au plus fort de sa veine crépusculaire, où sa voix si reconnaissable, son timbre de superstar chevrotante, savait jouer, en clown tragique, toutes les nuances de l’outre-tombe, Godard était encourageant.

https://www.liberation.fr/cinema/2007/08/02/la-respiration-a-bout-de-souffle_99240/

https://www.liberation.fr/cinema/2019/04/19/godard-fauve-qui-peut-la-vie_1722444/

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Hommage au cinéaste sur le site de la Cinetek avec une sélection de ses films à voir ou à revoir.

https://www.lacinetek.com/be/selection/passion-godard-?fbclid=IwAR0QIM-w7C6HnjVBQaMIP_b90__sg2BICm3RdZXRw-HtEgSbPyvmrlAkXO4

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Godard/Daney

Entretien entre Serge Daney et Jean-Luc Godard sur le site de la cinémathèque française.

https://www.cinematheque.fr/henri/film/125365-entretien-entre-serge-daney-et-jean-luc-godard-jean-luc-godard-1988/

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Godard/Bonmariage

“Point de rencontre” avec Jean-Luc Godard.

Un film de Manu Bonmariage sur sa rencontre avec JLG.

Manu Bonmariage rencontre Jean-Luc Godard chez lui, à Rolle, sur les bords du Lac Leman. On suit les pas imaginaires du cinéaste dans Genève…

A voir en meilleure qualité sur le site de la Sonuma.

https://www.rtbf.be/auvio/detail_un-homme-une-ville?id=2674526&utm_campaign=RTBF_ACRM_Films_Godard_13-09-2022&utm_medium=email&utm_content=live%2Fond&utm_source=RTBF_ACRM

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