Cinéma français aux oscars: une réforme qui fait gloser

Réputé obscur et parfois contesté, le système de sélection du film qui représente la France aux oscars fait l’objet d’une nouvelle réforme. En 2021, le choix de «Titane» de Julia Ducournau avait échoué à enrayer trente ans de défaite dans la catégorie du meilleur film international.

L’arrêté du 27 juillet modifie la composition du comité en charge de choisir le film qui représente la France aux oscars. (STEFANI REYNOLDS/AFP)

par Sandra Onana

publié le 28 juillet 2022 à 18h03 dans LIBERATION

Le système de sélection des films français aux oscars se réforme, et cela fait gloser. Mercredi, plusieurs changements de règlement promulgués par la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, paraissaient au journal officiel. Objectif : remédier à l’échec persistant de la France à triompher dans la catégorie du meilleur film international. Mais alors que plusieurs articles de presse américaine et française laissent croire à une «reprise en main» du fonctionnement par le ministère de la Culture, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), contacté par Libération, conteste les interprétations qui sont faites de ces modifications. Aucune révolution structurelle à signaler, insiste le Centre. Mais une nouvelle pierre ajoutée à un processus d’évolution du règlement au long cours, dont témoignait déjà une importante réforme en 2019.
Apaiser les soupçons de conflit d’intérêts

L’arrêté du 27 juillet modifie la composition du comité en charge de choisir le film qui représente la France aux oscars. Les trois membres de droit que sont le délégué général du festival de Cannes, Thierry Frémaux, la présidente des césars, Véronique Cayla, et celui d’Unifrance (organisme de promotion du cinéma français à l’international) Serge Toubiana, ne siégeront plus qu’en qualité d’observateurs. De quoi apaiser a priori les soupçons de conflit d’intérêts, dont le comité eut encore à se défendre l’an dernier. La France désignait alors la palme d’or Titane de Julia Ducournau pour ramener un oscar à la maison.

Autre changement : les membres temporaires, renouvelés chaque année, étaient jusqu’ici constitués de six professionnels (deux exportateurs, deux producteurs, et deux cinéastes). Pour établir un nombre impair de votants, et faciliter le processus de vote, ils seront désormais sept, avec l’ajout d’une «personnalité qualifiée» de l’industrie du cinéma. Au CNC, on insiste : ces personnes continueront d’être nommées par le ministère de la Culture sur une liste de propositions du Centre, comme c’était déjà le cas auparavant. Sans ingérence de quelque sorte, ni présence d’agents du ministère dans la commission. «La ministre examine nos propositions, et peut modifier la liste si elle le souhaite», précise-t-on néanmoins.

Dernière nouveauté, les producteurs devront désormais faire acte de candidature pour que leurs films soient considérés aux oscars. Auparavant, des critères objectifs de langue, dates de sortie et nationalité de l’équipe artistique suffisaient à rendre un film éligible – en plus de la condition de bon sens de disposer d’un distributeur aux Etats Unis.

Malédiction de presque trente ans

En octobre 2021, Libération décryptait un processus de sélection réputé très confidentiel. Le choix controversé de Titane (finalement recalé au round suivant par l’académie des oscars, sans se qualifier parmi les finalistes) avait laissé perplexe et frustré une bonne partie des pronostiqueurs de l’industrie, y compris américains, pour qui le film d’Audrey Diwan l’Evènement affichait un meilleur potentiel de vainqueur. Adaptée d’un livre d’Annie Ernaux, cette évocation d’un avortement clandestin dans la France des années 60 résonnait fortement avec l’actualité américaine, à l’heure d’une mise en péril déjà sensible du droit des femmes à interrompre leur grossesse, et d’une sensibilisation accrue de l’opinion à ces sujets. Le film semblait dès lors réunir toutes les conditions pour séduire les votants de l’académie des oscars, plus réputés pour leur goût du drame sociétal consensuel que pour les audaces d’auteurs. Echouant à briser une malédiction de presque trente ans, époque de la dernière victoire de la France dans cette catégorie avec Indochine de Régis Wargnier en 1993, la commission se voyait encore reprocher d’avoir parié sur le mauvais cheval, quand elle aurait pu taper dans le mille.

Déterminants ou non, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que ces désagréments aient joué un rôle dans la mise au point de la réforme publiée cet été. Tenace, le hiatus entre le standing de la France dans la cinéphilie mondiale, et son absence parmi les lauréats de la plus symbolique des récompenses fait grincer. Il est temps de tenir son rang. Contactée, l’association des exportateurs de films indique ne disposer d’aucun élément supplémentaire.

Editle 29 juillet à 13h43 : le CNC annonce que la commission qui sélectionnera le film français candidat aux oscars se composera des exportateurs Hengameh Panahi et Grégoire Melin, les producteurs Philippe Rousselet et Didar Domehri, les cinéastes Jacques Audiard et Michel Gondry, et, en tant que personnalité qualifiée, Ariane Toscan du Plantier.