Jean-Jacques Andrien au Cinéma Le Méliès , Villeneuve d’Ascq.

 Nouveau Ciné-Club

Cycle 2021-2022 –Paysans, paysages

Cinéma Le Méliès, Villeneuve d’Ascq, Métro Triolo

Programmation et animation : Youcef Boudjémaï, Jacques Lemière

5éme séance –Jeudi27 janvier 2022-20h

Il a plu sur le grand paysage, film de Jean-Jacques Andrien, en sa présence.Belgique, 2012, 1h40, couleur

Scénario et réalisation: Jean-Jacques Andrien• Image: Yorgos Arvanitis• Son: Jean-JacquesAndrien• Collaboration pour le montage son: Marc Bastien• Montage: Cédric Zoenen, Isabelle Dedieuet Gilles Volta • Musique: Henryk Gorecki • Mixage: Gérard Rousseau• Assistanat post-production:Thierry Baivier• Production:  Yasmine Kassari, Les Films de la Drève(Belgique), en coproduction avec R.T.B.F. Sortieen Belgique,2012. En France : 14 mai 2014

Le film

«Quand le geste cinématographique, par son ancrage dans un lieu singulier, atteint l’universel. Jean-Jacques Andrien revient filmer dans le nord-est de la Belgique, dans le pays de Herve, en Wallonie limitrophe des Pays-Bas et de l’Allemagne, où, une trentaine d’années auparavant, il a déjà tourné Le grand paysage d’Alexis Droevenet Mémoires. Il revient dans son paysage, et y reprend une question déjà présente dans son cinéma, celle de la transmission ou de la non-transmission de la terre agricole, mais dans une nouvelle conjoncture. A l’heure de la réforme de la politique agricole commune, de la suppression par l’Union européenne des quotas laitiers et de la négociation du traité commercial transatlantique, ce film, construit autour de si sensibles portraits d’agriculteurs, révèle, en leur donnant la parole et en montrant leur lutte pour leur survie, un monde paysan d’aujourd’hui, dans sa culture profonde comme dans ses interrogations sur l’état présent du monde.»

Jacques Lemière, 13èmejournée du Séminaire Images, sons et sciences sociales, Pour un cinéma topique. La trilogie paysanne de Jean-Jacques Andrien, 8 octobre 2014, Université de Lille et Le Méliès(sitewebLes Films de la Drève)

Propos de l’auteur

«J’ai vécu trois années (de 1977 à 1980) à Aubin-Neufchâteau, non loin de Liège en Belgique, pour écrire le scénario du film de long-métrage de fiction intitulé Le grand paysage d’Alexis Droevenque j’ai réalisé en 1981. Comme pour mes films précédents, il s’agissait d’écrire un film de fiction à partir de mon observation de la réalité. 

L’histoire de ce film était celle d’un jeune agriculteur qui se demande au moment de la mort de son père s’il va, oui ou non, reprendre la ferme familiale […].Revisitant les mêmes lieux, les mêmes fermes, retrouvant les complices deLe grand paysage d’Alexis Droeven, je découvre une nouvelle réalité, une réalité où les changements redoutés l’ont emporté sur la continuité désirée […].Ces changements profonds, ces fractures, ces ruptures et aussi l’effacement de ce que ce paysage contenait en soi d’unique et d’irremplaçable (l’alternance réfléchie de vergers et d’immenses étendues de prairies délimitées par des haies basses) pour un autre dont on ne discerne pas encore la figure (comme sur la toile du peintre qui a effacé un dessin pour y esquisser un autre), m’interpellent, et je décide alors de réaliser un documentaire sur cette nouvelle situation.»

Jean Jacques Andrien, Dossier de presse deIl a plu sur le grand paysage, 2014

Critiques

«Le cinéaste signe un documentaire poignant sur la condition paysanne, au milieu d’éleveurs de vaches profondément attachés à leur métier. Les hommes et les femmes qui prennent ici la parole sont d’une stupéfiante dignité. Pères et fils associés dans un espoir de transmission, maris et femmes attelés à la moindre tâche éreintante; ils n’ont pas baissé les bras mais mesurent mieux que tout autre la difficulté de maintenir leur activité face au coût croissant des investissements nécessaires. A la fois concret dans les problèmes évoqués et d’une humanité vibrante, Il a plu sur le grand paysage, film grave et limpide, mérite d’être découvert.»

Arnaud Schwartz, La Croix,14 mai 2014

«Les vastes paysages de Jean-Jacques Andriensont ceux du pays de Herve, au nord-est de la province de Liège, en Belgique. Maintes fois parcourues par le cinéaste, ces terres paysannes se découpent en petites et moyennes parcelles propices à l’exploitation familiale. On y produit pour l’essentiel dulait. De ces données abstraites et lointaines, Jean-Jacques Andrien va faire valoir les éléments humains et concrets, permettre de percevoir l’ampleur du réel par le choix de prélèvements précis, incarner l’humanité par ce que chacun des protagonistes de son film en porte et met en partage[…].Jean-Jacques Andrien va nous emmener auprès de neuf fermiers avec lesquels il a élaboré son travail de filmeur durant trois ans, des repérages aux rencontres et réflexions, aux situations imprévues captées sur le vif […].L’amour du métier, d’abord, tellement ancré que les mots frissonnent. L’amour des bêtes, aussi, leur présence paisible filmée en autant de rappels. Autour de ces vaches dont les robes tachées de noir et blanc enrobent les imposantes statures, letravail se devine sans qu’il soit besoin d’insister. Un travail dur qui se laisse entendre sans plaintes, qu’il faut écouter pour comprendre les inquiétudes qui taraudent d’un avenir peu prometteur, la tristesse des possibles abandons, la révolte aussi».

L’Humanité,14 mai 2014

«Les documentaires sur les difficultés du monde paysan ne manquent pas ces dernières années, venus de tous les pays […].Cela ne simplifie pas a priori l’arrivée d’un nouveau documentaire, venu de Belgique celui-ci, sur le même sujet, quand bien même il se focaliserait sur le problème des producteurs de lait de l’est de la Belgique, pris à la gorge par l’arsenal des lois etquotas européens.

Il faut pourtant reconnaître à ce film, abstraction faite de ce contexte, les vertus qui lui appartiennent. La première est son exigence esthétique, Jean-Jacques Andrien brossant un portrait très poétique, très touchant, de la nature, des paysages, des animaux et de ces hommes qui désespèrent ou enragent de ne plus pouvoir y consacrer leur vie professionnelle, victimes d’un imbroglio de lois dictées par le marché globalisé au détriment du bon sens, de la qualité de leur produit et du respect de la santé des consommateurs.L’autre intérêt du film consiste à répondre à un film réalisé voici trente ans par le même réalisateur sur le même sujet tel qu’il s’esquissait alors, mais sous forme de fiction. Ce film s’appelait Le Grand Paysage d’Alexis Droeven

Jacques Mandelbaum.Le Monde, 13 mai 2014

«‘Filmer les inquiétudes, les peurs de l’inconnu et du vide, la colère et le désarroi mais aussi les rêves et les combats de ceux pour qui l’avenir a toujours été un chemin étroit à travers une étendue indéterminée’. Ce cinéaste dessine ainsi la ligne claire dans laquelle s’inscrit Il a plu sur le grand paysage,son dernier film. Elle convient à l’ensemble de son travail qui aborde aussi bien le domaine du documentaire que celui de la fiction. »

Festival International du Film de la Rochelle, 42èmeédition, dossier de presse, 2014

«Pour Jean-Jacques Andrien, le phénomène d’appartenance[ndlr: au pays de Herve, où sa trilogie paysanne est filmée], cette importance de l’imprégnation traite avant tout de cinéma: un cinéma que, dans la foulée de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada, Andrienaime qualifier de’topique’, intimement lié à un topos, à un lieu, mais qui permet aussi de définir mieux la porosité entre documentaire et fiction souvent évoquée. ‘Le cinéma a-topique est un cinéma qui fonctionne pour lui-même, c’est la fiction pour la fiction (…) tandis que le cinéma topique procède d’un lien, d’une prise avec le réel et permet dès lors un retour du réel dans son dispositif narratif’.(…). Tenant à distinguer par ailleurs le réel de la réalité (le réel étantla totalité de l’existant, alors que la réalité est une perception du réel, une appréhension forcément subjective et non exhaustive, Andrien voit dans ce ‘cinéma topique’la possibilité de ménager au réel des voies ou parfoisdes voix, au sens propre, qui lui permettent de faire retour dans la fiction. ‘Le cinéma topique, c’est un dispositif cinématographique qui permet à ce qu’on n’a pas perçu du réel, à ce qu’on n’a pas mis en scène, de s‘imposer dans la fiction. C’est par exemple une phrase dont je n’ai pas saisi l’importance au moment du tournage. C’est un retour du réel dans la fiction. Kurosawa, c’est du cinéma topique. Ozu aussi, Kiarostami, Cassavetes, Loach, car ils ont un positionnement par rapport au réel qui permet à la vie de s’introduire dans leurs films(Jean-Jacques Andrien, propos revus par l’auteur, entretien avec Fernand Denis, La Libre Belgique, 9 septembre 2012)’».

Emmanuel d’Autreppe, «Une culture pour Mémoires», 2013.

Voir aussi «Ma campagne est belle, non parce qu’elle est plus ou moins vraie en tant que telle, mais parce qu’elle est l’habit qu’il faut pour y camper ma véritable fable» (Cesare Pavese), texte d’introduction d’Emmanuel d’Autreppe, janvier 2015, au livret du coffret de DVD «Le grand paysage. Une trilogie du monde paysan (1979-2012), Les Films de la Drève et Shellac.