Conférence/ Créer en liberté : comment perdre son scénario pour mieux le retrouver ?

Une émission de France culture en collaboration avec L’ACID ( voir ci-dessous les liens vers les sites de l’émission et de l’ACID)

Dans un système de production actuel où le scénario est l’outil principal de financement de films, celui-ci s’impose parfois comme un carcan dont la mise en scène peine à s’échapper. Comment faire de l’écriture d’un film une recherche jusque sur le plateau de tournage ?

Captation de l’ACID POP du 07/01/2019 au mk2 Quai de Seine (Paris), avec les cinéastes de l’ACID Nathan Nicholovitch & Vincent Dieutre et la projection de AVANT L’AURORE de Nathan Nicholovitch.

LES ENJEUX DU SCENARIO

Le scénario n’est pas le film, il est sa rampe de lancement. Pour moi, le cinéma c’est comment des acteurs, de la lumière, des décors, des univers sonores vont se métaboliser, prendre forme en cinéma grâce à la caméra dans un espace et dans une durée. Ce n’est pas des idées écrites sur du papier. Il faut réussir à se débarrasser du scénario, le tordre et le mettre en vie. Nathan Nicholovitch

Le scénario est le premier outil de financement du film, c’est même son premier enjeu aujourd’hui. On a donc l’idée que sa forme doit être la plus aboutie possible. Une forme utile et rentable. Beaucoup de cinéastes s’épuisent à écrire sur des temps très longs avec le risque de perdre leur désir. L’autre risque d’une écriture trop finalisée, trop lisible serait de perdre l’intérêt même de tourner le film. Pourquoi le chercher puisqu’il est déjà là ? 

LES SCENARIOS DOIVENT CONTENIR UNE PART DE MYSTERE

Mais le scénario est aussi une vision, le rêve que le réalisateur se fait de la possibilité d’existence d’un film. L’enjeu est aussi de trouver des solutions pour lui donner corps. Le scénario doit contenir la part mystérieuse du film, en ce qu’il préserve et délimite un territoire de recherche, un questionnement qu’il faudra éclaircir au fil du tournage puis du montage. Ainsi, celui d’Avant l’aurore est à la fois un récit très construit, mais il est bâti pour aller se cogner au réel. Il doit aider durant le tournage à faire des allers-retours entre quelque chose qui est programmé et quelque chose qui va venir percuter ce programme.

Mon désir est d’être le premier spectateur du film, de le faire surgir, qu’il me surprenne en premier. À l’étape du tournage, je fais donc en sorte consciemment ou inconsciemment de ne pas tout en comprendre. Je sais quelque chose du film mais je n’ai pas envie de l’expliciter totalement. J’aime placer l’équipe autour de moi dans ce positionnement. Le film est à trouver à l’intérieur de ces pages. Sur le plateau, le scénario n’est plus là. Il est comme totalement intégré et on « lâche » ce qui est écrit pour passer à une écriture de terrain, au cours des repérages, des castings, des rencontres…

L’ACTEUR EST TOUT

Le scénario, je m’en méfie proprement sur le plateau. Pour moi, ça passe d’abord dans mon rapport avec le comédien, dans le contrat qui est tacite mais très clair, d’intégrer à chaque scène tout ce qui n’est pas prévu. Tout ce qui n’est pas écrit doit être accepté. J’essaye de faire intervenir de l’imprévu en permanence. (… ) Le travail de l’acteur est au centre de mon travail de mise en scène. Comment collaborer avec un comédien est une question autour de laquelle je tourne en permanence et qui me passionne. Le travail avec David d’Ingéo – et la création de son personnage – comme à l’inverse celui avec Pana, l’enfant du film, est un travail de recherche qui constitue, pour moi, le cœur du film.

LE CORPS ET LE CHAOS COMME DRAMATURGIE

Pour Nathan Nicholovitch, le monde doit pouvoir entrer et perturber le film en train de se faire. Il doit pouvoir l’enrichir et mener le réalisateur là où il n’avait pas prévu d’aller, lui permettre de trouver quelque chose qui n’est pas dans le scénario. Dans cette immersion sensorielle, le cinéaste doit pouvoir garder un rapport au présent. Il faut réussir à être au même niveau de perception que les personnages, pouvoir être ébahi par ce qui leur arrive. De la même manière que dans son rapport au film et à sa fabrication, il faut être dans un rapport constant de découverte et d’étonnement. Le scénario d’Avant l’aurore – comme le film – s’intéresse moins à raconter une histoire qu’à plonger le spectateur dans des mondes. Le désir est de faire naître des moments, d’y propulser le spectateur – de passer d’un monde à l’autre. Cette idée donne alors une grande force au montage, à l’ellipse.

Extraits projetés :

  • Les Amants du Pont Neuf, Leos Carax (1991)
  • Orlando Ferito, Vincent Dieutre (2015)
  • No Boy, Nathan Nicholovitch (2012)

https://www.lacid.org/fr/acid-pop/catalogue/cre-er-en-liberte-comment-perdre-son-sce-nario-pour-mieux-le-retrouver

https://www.franceculture.fr/conferences/acid/creer-en-liberte-comment-perdre-son-scenario-pour-mieux-le-retrouver?fbclid=IwAR2o4tEzP-Gnfb-xXGQer5d4iMOJP3zRPPaBziq2bkihyF1SmY8dJr8HtiI